Potabilisation des eaux - Traitements spécifiques

Sulfates.
Formule : SO42- - Masse molaire : 96,0636 g/mol
Rappel de certaines formes minéralogiques dans la nature.
La plupart des sols contiennent des sulfates sous la forme de gypse (généralement entre 0,01% et 0,05 % (sol sec) exprimés en SO42- ). Ces concentrations relativement faibles ne sont généralement pas agressives pour le béton.
Le gypse est un sulfate de calcium hydraté qui est faiblement soluble (7 g/l dans les conditions normales). Composition : CaSO4.2H2O.
Le gypse a plusieurs variétés : la rose des sables, la sélénite, le gypse marguerite, l'albâtre et le spath satiné. Le gypse peut être incolore, blanc, verdâtre, jaunâtre, brunâtre ou rougeâtre. Il varie de transparent à opaque.
Au contact du gypse, fréquent dans les terrains tertiaires, l'eau se charge en sulfate de calcium et devient dure (séléniteuse) et impropre à la consommation.
Autres variétés de sel sulfatés :

Les eaux à potabiliser.
La concentration des ions sulfates (SO42-) est très variable dans les eaux de surface, où elle dépend des minéraux contenant du soufre. Elle a considérablement augmenté dans certains fleuves et rivières de l’Amérique du Nord (comme dans le Saint-Laurent et le Mississippi) depuis une centaine d’années, en grande partie à la suite de l’intensification des activités industrielles et agricoles. Lorsque les minéraux contenant du soufre sont plus abondants, comme dans les schistes d, la teneur en SO42- peut dépasser le seuil établi dans la directive de la CEE relative à l’eau potable, qui est de 250 mg/l.
Au-delà de 500 mg/l de concentration, les propriétés organoleptiques ou esthétiques de l'eau de consommation pourront être altérées, et une concentration supérieure à 500 mg/l peut avoir un effet laxatif sur certaines personnes.
Certaines ressources en eau destinées à la production d’eau potable ont des teneurs en sels qui dépassent les normes de potabilité et posent des problèmes aux exploitants.
C’est le cas des nappes en relation avec les anciennes mines dans l’est de la France dont l’arrêt de l’exploitation a provoqué leur ennoiement ; la dissolution de gypse qui en a découlé a entraîné l’apparition de fortes teneurs en sulfates dans les eaux.

Traitement d'élimination des sulfates.
Je citerais notamment :

  1. les résines échangeuses d’ions (REI),
  2. les techniques membranaires : électrodialyse (ED), nanofiltration (NF), osmose inverse (OI),
  3. les procédés biologiques,
  4. la précipitation physico-chimique (surtout en eaux industrielles),

Au cours de ces pages, j'aborderais les traitements 1 à 3

Résines échangeuses d’ions.
Actuellement, il n’existe aucun traitement de désulfatation autre que les résines échangeuses d’ions (REI) qui soit fiable et reproductible.
Ce procédé est identique à la dénitratation (
lien interne) : en fait les sulfates sont éliminés de 98 à 100%, et donc les capacités de fixation sont importantes.
Cependant, lorsque les teneurs en sulfates sont très élevées (> 600 mg/l), les régénérations des résines sont fréquentes d’où une forte consommation en sels régénérants (exploitation coûteuse) et une augmentation de la production d’ éluats qu’il faudra traiter.

Techniques membranaires (nanofiltration,électrodialyse, osmose inverse).
La nanofiltration (NF) s'avère être le procédé de choix si les besoins d'élimination des composés inorganiques sont limités aux ions divalents, comme c'est le cas pour l'adoucissement.
Trois rapports nationaux décrivent des applications concernant l'élimination de concentrations élevées de sulfate (jusqu'à 1000 mg/l), dans les eaux souterraines pour la production d'eau potable.
Van Craenenbroeck et Meeus (1995) ont fait des études pilotes sur OI et ED en Belgique. Il fallait adoucir l'eau d'alimentation pour prévenir l'entartrage, car les sulfates étaient associés aux ions de calcium. En fait, l'OI et l'ED enlevaient parfaitement les sulfates, mais elles éliminaient aussi trop d'ions monovalents. Les auteurs en ont conclu que la nanofiltration pouvait s'avérer plus performante.
Des applications semblables en France où plusieurs stations de NF existent (ex :
Jarny, Meurthe-et-Moselle).
L’électrodialyse (ED) est utilisée depuis des décennies dans certains secteurs, en particulier dans l’industrie agro-alimentaire, mais son application au traitement de l’eau est peu utilisée en France. Ce n’est pas un procédé spécifique de l’élimination des sulfates, mais il l’est relativement autant que la nanofiltration ou l’osmose inverse.
Son principe repose sur la séparation des ions d’un liquide placé entre deux membranes semi-perméables en présence d’un champ électrique. Les membranes échangeuses d’anions (MEA) s’alternent dans le système avec les membranes échangeuses de cations (MEC). Les anions, soumis à une force électrostatique, sont entraînés à travers la membrane MEA vers l’anode ; les cations sont entraînés de la même façon à travers la membrane MEC vers la cathode. Il se créé alors des compartiments de dilution où se trouve l’eau à traiter qui s’appauvrit en ions, et des compartiments de concentration contenant la saumure enrichie en ions.
Ce procédé ne s'applique qu'aux eaux faiblement saumâtres car la capacité de débit des membranes décroît quand la salinité de l'eau à traiter augmente. Il n'est économique que pour les eaux ayant une salinité inférieure à 3 g/l qu'il ramène à 0,5 g/l. Moins l'eau est saline plus la consommation de courant s'élève par suite de accroissement de résistivité de l'eau déminéralisée. De ce fait, ce procédé n'est guère utilisable pour traiter des eaux de minéralisation inférieure à 0,5 g/l.
Le procédé d'électrodialyse convient à des débits allant jusqu'à quelques milliers de m3/jour.
Afin de favoriser le bon fonctionnement des membranes, l’eau à traiter ne doit pas être turbide, ni contenir de carbone organique, d’agent oxydant ou de tensioactif, et la conductivité de l’eau doit être suffisante pour permettre le passage des ions à travers les membranes sans entraîner des consommations électriques trop importantes.

L'osmose est un phénomène de diffusion entre deux solutions de concentration différente, à travers une membrane perméable ou semi-perméable. Le solvant passe de la solution la moins concentrée vers la plus concentrée; la substance dissoute suit le trajet inverse.
On inverse le processus en appliquant une pression supérieure à la pression osmotique.
L'OI ne peut être pratiquée qu'à des pressions plus élevées que les pressions osmotiques de l'eau d'alimentation.
Alors que la pression osmotique des eaux saumâtres est relativement faible (1,4 et 3,4 bars pour 4,0 g/I de solution de sulfate de calcium et de chlorure de sodium), celle de l'eau de mer est relativement élevée (27 bars pour 3 5 g/I de chlorure de sodium).
Différence avec l'électrodialyse : on peut traiter une eau de minéralisation inférieure à 500 mg/1 avec un taux très élevé d'abaissement de la salinité (et indépendant de la salinité initiale) pour une faible dépense d'énergie. Ce procédé est aussi bien adapté aux eaux très concentrées telles que l'eau de mer, qu'aux eaux peu salines dont on veut parfaire la qualité.
Contrairement à l'électrodialyse, de l'eau pure sort ici des membranes.

Procédés biologiques.
Des bactéries sulfatoréductrices sont utilisées pour transformer les sulfates dissous dans les eaux.
L' éthanol ou le vinaigre peuvent servir d'aliments à ces bactéries, qui sont aussi capables de consommer de l'hydrogène.
Divers procédés ont été expérimentés mais, à ma connaissance, n'ont pas eu de réalisation concrète : les rendements d'élimination sont faibles, pour des temps de contact assez long.


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Chlorures.
Formule : Cl- - Masse molaire : 35,4527 g/mol
Dans la nature.
Les sels contiennent par définition, un atome de chlore sous forme anionique (l'ion Cl-) pouvant être associé à divers cations.
On trouve donc tous les sels contenant du chlore, dont principalement le chlorure de sodium (NaCl), mais aussi le chlorure d'hydrogène, HCl .

Nota : HCl est un gaz qui, dissout dans l'eau, forme l'acide chlorhydrique (cation H+ ), acide fort, corrosif et toxique.
Et pourtant, l'acide chlorhydrique existe à l'état naturel : l'activité volcanique en dégage dans l'atmosphère, et nous en trouvons aussi dans notre estomac puisque c'est un des composants des sucs gastriques qui interviennent dans la digestion des aliments.

Certains chlorures dangereux et/ou toxiques :

  1. Chlorure de zinc anhydre pur :
    Cristaux blancs déliquescents. Formule : ZnCl2
    Risques : provoques des brûlures

  2. Chlorure de baryum pur dihydraté :
    Cristaux incolores. Formule : BaCl2, 2H2O
    Risques : nocif par inhalation et en cas d'ingestion

  3. Chlorure de mercure II pur (ou chlorure mercurique) :
    Poudre cristalline blanche, toxique. Formule : HgCl2
    Corrosif à l'état sublimé
    Risques : très toxique par inhalation, par contact avec la peau et en cas d'ingestion. Dangers d'effets cumulatifs.

Les eaux.
Les chlorures Cl- existent dans toutes les eaux à des concentrations très variables.
L'origine peut en être naturelle :

ou provenir de l'activité humaine (sources anthropiques) :

La teneur en ions chlorures dépend fortement de l'origine de l'eau et de la nature du terrain.

Dans la plupart des cours d’eau, les concentrations de sodium et de chlorures sont étroitement liées. Les deux proviennent de la météorisation naturelle de la roche et du transport atmosphérique de substances d’origine océanique et d’une grande variété de sources anthropiques.
Les sources anthropiques de sodium et de chlorures sont si étendues que les concentrations ont augmenté par un facteur de 10 à 20 dans bien des cours d’eau.
Depuis 1889, les concentrations de Cl- ont quintuplé dans les réserves d’eau potable (Ivry) de la ville de Paris. La concentration de fond du Cl résulte des activités humaines exercées en amont de cette station.

NOTES : le Rhin est soumis à l’influence de deux grandes sources de sels - les mines de houille de l’Alsace et les mines de sels de la Lorraine, situées en France. L’eau saumâtre de ces sites est rejetée dans le Rhin en aval de Bâle et jusqu’à la rivière Moselle, respectivement. La source alsacienne (15 000 tonnes de NaCl/jour) représente 30 % des flux de Cl mesurés à Lobith, à la frontière germano-néerlandaise. Les autres contributions sont principalement urbaines et industrielles, en provenance de la région de la Ruhr. Depuis l’ouverture des mines de houille, il y a cent ans, les concentrations et les flux de Cl ont augmenté par un facteur de 15 à 20. La norme de l’ OMS relative à l’eau potable a été dépassée, ainsi que la directive concernant l’arrosage en serre (une activité très importante dans les Pays-Bas).

(Sources : Programme des Nations Unies pour l’environnement GEMS/EAU - PROGRAMME DE SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DE L’EAU DOUCE DU SYSTÈME MONDIAL DE SURVEILLANCE CONTINUE DE L’ENVIRONNEMENT - Canada >site)

Les teneurs rencontrées dans les eaux souterraines sont généralement de 10 à 20 mg/l en ion chlorure, mais peuvent atteindre plus de 100 mg/l au contact de certaines formations géologiques (Trias).

Les concentrations en chlorures mesurées dans les lacs ne posent pas de problèmes. En revanche, les chlorures sont un bon indicateur des activités humaines dans les bassins versants. Leurs origines sont diverses: industrie, eaux usées et leur traitement, agriculture, entretien des routes, etc.

Les concentrations en chlorures des océans et des mers.
Ils sont quantitativement prépondérants dans l'eau de mer - rappel des pages spécifiques > Eau de mer / océans.
Les océans contiennent, en moyenne, 16,5 grammes de chlorures Cl- par litre, pour une salinité totale de 35g/L

A titre indicatif, voici la composition moyenne d'un litre d'eau de mer à 35 g/L de salinité totale ( de masse volumique : 1028 kg/m3) :

Composants
Teneur (g/l)

Autres composants
mg/l
chlorure de sodium
27.2

fluor
1.40
chlorure de magnésium
3.8

silice
1.0
sulfate de magnésium
1.65

azote
1.0
sulfate de calcium
1.26

phosphore
0.060
sulfate de potassium
0.86

baryum
0.055
carbonate de calcium
0.12

fer
0.050
bromure de magnésium
0.076

iode
0.050

Si on considère le volume total des océans à environ 320 millions de km3 (3,2.1017 m3), nous avons environ 5,28 millions de milliards de tonnes de chlorures (5,28.1015 tonnes) !
Pour les mers les écarts peuvent être importants : de 3 à 18 g/L de chlorures.

On les retrouvent aussi dans les eaux de pluie (±3 mg/l).

(Sources : Brémond R. et Vuichard R. (1973); Paramètres de la qualité des eaux, Ministère de la protection de la nature et de l'environnement, SPEPE, Paris)

Rappel : la directive européenne 98/83 du 3 novembre 1998, qui est entrée en vigueur le 23 décembre 2003, fixe à 250 mg/l la teneur maximum en ions chlorures dans l'eau potable.
Selon la directive de l’ OMS et en France la teneur dans les eaux potables est de 200 mg/l maximum.

Nota : le seuil gustatif est proche de cette valeur.
Concentration supérieure à 200 mg/l : eaux laxatives et éventuellement dangereuses pour les patients atteints de maladies cardio-vasculaires ou rénales, pollution possible (rejet industriel ou rejet d'eaux usées).

Traitement d'élimination des chlorures.
Je citerais seulement :

  1. les techniques membranaires : électrodialyse (ED), nanofiltration (NF), osmose inverse (OI),
  2. la distillation par évaporateurs à multiples effets (surtout pour les eaux de mer ou saumâtres).

Ces techniques ne sont pas spécifiques des ions chlorures.
Notes : le dessalement (également appelé dessalage ou désalinisation) est un processus qui permet d'obtenir de l'eau douce (potable ou, plus rarement en raison du coût, utilisable pour l'irrigation) à partir d'une eau saumâtre ou salée (eau de mer notamment).


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Hydrocarbures.
Dans la nature.
Rappelons que les hydrocarbures, sont des composés organiques constitués de carbone et d’hydrogène. Ce sont les composés organiques les plus simples, et on peut considérer que les autres composés organiques en sont dérivés. Liés à l'extraction, au transport et à l'utilisation du pétrole, les hydrocarbures présentent une grande importance commerciale : on les utilise comme carburants, comme combustibles, comme huiles lubrifiantes et comme produits de base en synthèse pétrochimique.

Mais n'oublions pas les scandaleux et irresponsables dégazages de fioul effectuées en pleine mer (nettoyage des citernes des tankers), qui représentent à elles seules 22 % de la pollution pétrolière.
Principal agent de pollution, ces vidanges frauduleuses proviennent du lavage des réservoirs en mer et du déversement d'eau de ballast polluée avant leur remplissage.

Note sur le fioul ou mazout :------------------------------------------------------------------------------
Les pétroles sont dénommés en fonction de leur densité par rapport à l'eau :

Composition : C'est un mélange de nombreux hydrocarbures provenant de la décomposition d'organismes marins vivant il y a plusieurs millions d'années.
La composition du pétrole dépend du lieu d'où il est extrait : il y a actuellement une centaine de bruts différents sur le marché pétrolier.
On distingue trois catégories d'hydrocarbures présents dans les fractions du brut distillant entre 20 et 200°C :

Il n'y a pas d'alcènes (oléfines) ni d'alcynes. D'autres éléments sont souvent présents dans le pétrole : le soufre, l'azote, des métaux. Il contient très peu d'oxygène.

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Les eaux.
Les origines de leur présence dans les eaux sont multiples : rejets de produits pétroliers (garage, industrie pétrolière, navigation...), effluents des usines à gaz, fumées dont les particules sont entraînées par les eaux météoriques, etc...
Par ailleurs, les cours d'eau et les nappes souterraines n'échappent pas à la bêtise humaine : ils reçoivent des polluants venant des vidanges automobiles...
La demande en oxygène de ces déchets est très importante et le problème posé par ce type de pollution est lié à la très grande stabilité de ces produits. Ils se dissolvent peu et se présentent généralement sous forme d'émulsion ou de surnageant.
Tant que les hydrocarbures recouvrent la surface de l'eau d'une mince couche, ils contribuent à la réduction des échanges gazeux avec l'atmosphère. Ce phénomène a une importance particulière dans les zones calmes où le film peut s'étendre sur de grande surface et modifier la tension superficielle de l'eau.
Parallèlement, ce film influe directement sur les réactions photosynthétiques ce qui a pour conséquence, outre la diminution du capacité piscicole lié au développement de la flore aquatique, de diminuer une source importante de production d'oxygène.

Rappel des Normes EP : hydrocarbures dissous ou émulsionnés extractibles au CCl4 < 10 µg/l.

Traitement d'élimination des Hydrocarbures
Je citerais,

Pour éliminer la partie insoluble de ces composés :

On peut faire appel à:

Pour éliminer la partie soluble ou émulsionnée de ces composés :

Les composés solubles doivent être séparés en deux catégories qui pourront recevoir des traitements différents:

  1. les composés volatils,
  2. les composés non volatils.

Les composés volatils peuvent être:

Ils pourront être éliminés par :

  • le stripping à l'air ou à la vapeur,
  • l'oxydation à l'ozone/peroxyde d'hydrogène et filtration CAG,
  • les contacteurs à membrane (qui sont principalement utilisés pour l'aération des liquides dans le secteur de l'Electronique, Pharmaceutique, Energie, Alimentaire, Industriel, Photographique ou Encre...).


Les composés non volatils devront être éliminés par l'un des moyens suivants:

  • La coagulation/floculation et filtration multicouche,
  • La filtration / adsorption par charbon actif,
  • Les résines adsorbantes qui permettent l’élimination des hydrocarbures chlorés (dichloréthane) (et des composés dérivés du phénol),
  • Par assimilation biologique.

Recherche (Canada) - Élimination des hydrocarbures aromatiques : Enzyme/assainissement basé sur la connaissance et technologie innovatrice d'ADN. Les objectifs spécifiques de ces recherches comprennent le développement d'outils génétiques pour analyser, démontrer et améliorer les potentiels cataboliques des micro-organismes de dégradation pour les HAP et le BPC.

  
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Pesticides.
Rappel : les pesticides, appelés également phytosanitaires ou produits de traitement sont des poisons destinés à tuer les herbes (herbicides), les insectes (insecticides), à lutter contre les maladies (fongicides), ou à se débarrasser de divers animaux jugés nuisibles (souricides, raticides, nématicides…).
Un pesticide est composé de 2 types de substances :

En France, on compte environ 520 matières actives homologuées entrant dans la composition de 2 588 spécialités commerciales.
Par ailleurs, notre pays est le 1er consommateur européen de produits phytosanitaires et le 3ème consommateur mondial derrière les États-Unis et le Japon avec environ 100 000 tonnes de matières actives utilisées en France chaque année.
Sur ces 100 000 tonnes :

  • environ 94% sont destinés à l'agriculture,
  • 3% aux collectivités, administrations (DDE) et SNCF,
  • 3% aux jardins amateurs.

Les eaux à potabiliser.
Les pesticides sont présents sur 90% des points surveillés en rivières et 58% des points en eaux souterraines, selon le regrétté Institut Français de l'Environnement (Ifen), qui avait rendu public son rapport annuel sur les pesticides dans les eaux et qui concerne les résultats des analyses effectuées en 1999 et 2000.
> lien actuel
Ils sont présents dans la quasi-totalité des cours d’eau français. En 2013, 92 % des points de surveillance font état de la présence d’une au moins de ces substances, les rares bassins exempts de pesticides se concentrant dans les zones montagneuses ou dans les zones dont l’agriculture est peu intensive. La contamination est le fait d’une grande diversité de substances, avec, dans plus de la moitié des cas, au moins 15 pesticides différents retrouvés.
On retrouvait 148 pesticides différents dans les eaux de surface (sur 320 recherchés) et 62 dans les eaux souterraines (sur 292 recherchés); mais les substances les plus fréquentes sont en majorité des herbicides de la famille des triazines (interdites en agriculture depuis 2003).

Au total, plus de 400 substances ont été retrouvées au moins une fois en 2013 sur les 670 recherchées. Toutes ne sont pas présentes partout, néanmoins, les points touchés font état d’une grande variété de substances : plus de 10 pesticides différents ont été retrouvés dans près de 60 % des cas.
D'autres substances, bien que déjà interdites, comme le lindane, le dinoterbe ou le dinosèbe, sont encore présents, notamment dans les eaux souterraines, illustrant ainsi les délais parfois très longs de renouvellement de ces milieux.
DDT, lindane et dérivés tendent à baisser dans les eaux littorales, mais les triazines sont présentes sur l'ensemble du réseau observé : zones côtières et estuariennes observées par l 'Ifremer depuis 25 ans. Les transferts de pesticides dans les eaux concernent donc essentiellement les désherbants (herbicides).

Le glyphosate se dégrade dans l’environnement sous forme d'acide aminométhylphosphonique, dit AMPA, et de glyoxylate.
L’AMPA est très présent dans les cours d’eau, dans des proportions supérieures à celles du glyphosate. Toutefois, l’AMPA ne provient pas exclusivement de la dégradation du glyphosate. Il peut également résulter de la dégradation des phosphonates utilisés comme agents anti-tartre dans de nombreuses applications industrielles et domestiques. Les recherches à ce jour ne parviennent pas à différencier la part provenant de la dégradation du glyphosate de celle des phosphonates, d’où une certaine prudence à observer vis-à-vis des teneurs d’AMPA relevées dans les cours d’eau (Chiffres & statistiques n° 697 novembre 2015).

>>> Télécharger : les pesticides dans les cours d’eau français (2013- 2015),
(voir aussi sur ce sujet le site de l'ERB, Eaux et Rivières de Bretagne)

Le tableau suivant montre le pourcentage de détection supérieure à 0,1 µg/l (norme retenue pour l'eau du robinet) et la teneur maximale trouvée, par exemple dans les rivières bretonnes pour 4 matières actives utilisés.

Type
% de détection
Atrazine
35
Glyphosate
38
Ampa (métabolite du glyphosate)
55
Métolachlore
22
Source : agences de l’eau ; Ineris, BNVD. Traitements : SOeS, 2013

A lfexception de l'AMPA, les teneurs de ces 15 pesticides les plus frequemment detectes dans les cours dfeau de France metropolitaine sont en moyenne inferieures à 0,1 micro.g/l, seuil de potabilité par pesticide
Ces valeurs moyennes cachent parfois une forte variabilité à l’image du glyphosate, de l’AMPA, du métolachlore et de l’isoproturon, en raison de pics localisés importants en valeurs.Néanmoins, les dépassements des seuils d’écotoxicité vis-à-vis des milieux aquatiques, généralement plus élevés que pour l’eau potable, se concentrent sur le chlortoluron et le métazachlore.

Les pesticides les plus fréquemment rencontrés dans la période 2000-2013 au droit des prises d'eau appartiennent aux familles des triazines (atrazine, simazine), urées substituées (diuron, isoproturon,...), aryloxyacides (mécoprop, 2,4 MCPA) et des phénols et alcools (dinoterb).
Dans une moindre mesure, on trouve des organo-chlorés (lindane), des carbamates (carbofuran) et des amides (alachlore).
A noter que ces triazines, présentes dans les eaux sous la forme des molécules-mères (atrazine, simazine) comprennent aussi des produits de dégradation : dééthylatrazine, déisopropylatrazine...) qui résultent de réaction d'oxydation naturelles. Ces sous-produits peuvent atteindre des concentrations équivalentes à celles des molécules-mères.

Rappel des Normes EP : lien sur ce site (retour, utiliser la flèche de votre navigateur).

Une eau distribuée ne doit pas normalement pas dépasser la limite de 0.1 µg/l sur les pesticides pris individuellement et 0.5 µg/l pour le total.

Traitement d'élimination des pesticides.
Aujourd'hui, trois techniques prévalent pour respecter ces normes :

  1. le procédé d'oxydation par l'ozone ou ozone/peroxyde,
  2. les procédés d'adsorption mettant en œuvre du charbon actif en poudre ou en gains,
  3. les procédés membranaires : microfiltration, ultrafiltration et nanofiltration.

1- L'oxydation à l'ozone.
L'ozone est un oxydant puissant qui dégrade les molécules avec cependant plus ou moins d'efficacité. Celle-ci est variable suivant la famille de pesticides considérée : très efficace sur les organophosphorés, efficace mais lente sur les triazines et peu efficace sur les organochlorés ou les acétamides.
Nota : la présence de carbonates favorise l'oxydation de certains pesticides (atrazine par exemple, voir ici)

Le couplage avec le peroxyde d'hydrogène H2O2 (eau oxygénée) favorise la production de radicaux libres et facilite l'oxydation des triazines notamment. Ainsi les rendements s'améliorent-ils : 20% d'atrazine est éliminé avec l'ozone seul, mais ce rendement peut atteindre 80% si l'ozone est couplé avec le peroxyde d'hydrogène (dans un ratio H2O2 /O3 de 0.4 à 0.5 g/g). Les taux de traitement d'ozone doivent au moins être supérieurs à 2 g/m3, particulièrement en présence de matière organique.
L'ozone allié au H2O2 permet donc d'obtenir une plus grande efficacité d'élimination, mais le problème des dérivés formés (par exemple, la formation éventuelles de bromates, composés cancérigènes, qui peuvent se former si l'eau brute contient des bromures).
Cela est à examiner de près, et seul un traitement d'appoint par filtration CAG (indispensable) permet de garantir l'élimination des "métabolites" chimiques nocifs.

2 - Procédés d'adsorption mettant en œuvre du charbon actif.
Il existe deux procédés distincts d'adsorption par le charbon actif ; l'un utilise le charbon actif en poudre (CAP), l'autre le charbon actif en grains (CAG).
Tous les deux reposent sur l'accumulation à la surface ou à l'intérieur du charbon des matières organiques contenues dans l'eau par interactions chimiques ou physiques. Chacun est utilisé dans des conditions bien spécifiques.

Le charbon actif en poudre (CAP).
Le CAP est utilisé par injection d'un mélange eau-charbon en suspension (barbotine).
Cette injection s'effectue idéalement le plus en amont possible dans la filière de traitement afin d'obtenir le temps de contact le plus long possible. Il permet surtout de traiter des pollutions accidentelles.
On doit prendre en compte le taux de matières organiques contenues dans l'eau, qui peuvent entrer en compétition avec les pesticides et en limiter l'adsorption. Le choix doit donc se porter sur un CAP peu efficace vis à vis du COT.
En outre, la chaîne de traitement doit comprendre une étape de décantation-filtration située après l'injection de charbon, de façon à retenir les particules de charbon. C'est pour cette raison que l'utilisation du CAP est particulièrement adaptée aux usines possédant une filière complète de clarification.

Le charbon actif en grains (CAG).
Le CAG est surtout utilisé dans le cas de pollutions chroniques, mais pour des taux relativement faibles : afin de ne pas arriver trop rapidement à une saturation du média, les concentrations moyennes en pesticides doivent être inférieures à 0,5 mg/l.
Il s'utilise en lits filtrants généralement placés en fin de chaîne de traitement, lits dans lesquels l'eau percole pendant dix à vingt minutes.
Le filtre à CAG, outre son rôle d'adsorbant, joue également le rôle de support biologique. On observe donc des phénomènes de biodégradation qui s'ajoutent aux phénomènes purement physico-chimiques et permettent un allongement de la durée de vie des filtres.
Tout comme pour le CAP, il faut éviter que le CAG ne soit complètement saturé, ce qui nécessite une surveillance permanente de la concentration des pesticides en sortie du traitement.
En effet, le risque d'un "relargage" instantané des produits qui sont fixés (ad ou absorbés) dans les pores des filtres à charbon actif , est déja bien connu des industriels utilisants ce type de média filtrants.

En général, on le remplace dès que cette concentration dépasse 0,1 mg/l. Le CAG utilisé est alors régénéré en usine via un traitement thermique qui lui permet de recouvrer ses propriétés adsorbantes.
A noter que par ailleurs, la mise en place d'une ozonation en amont des filtres permet d'améliorer le rendement d'adsorption du charbon et de le protéger contre toute prolifération bactérienne.

A noter :
- le procédé OPARCARB® FL (2018), une solution pour traiter les micropolluants développée par OTV (Veolia Water Technologies) ; un procédé qui s’inscrit dans la lignée des réacteurs à charbon actif (lien).
- le procédé à skid unique TERION™ S (Veolia Water Technologies) qui combine l'osmose inverse et l’électrodéionisation en continu pour produire de l'eau déminéralisée de haute qualité qui répond aux normes mondiales de laboratoire et industrielles les plus exigeantes. / lien

3 - Les procédés membranaires.
Les techniques membranaires ont déjà été traités (lien sur ce site), mais il n'est pas inutile d'évoquer de nouveau ces systèmes de traitement vus sous l'angle d'élimination des pesticides.

Microfiltration :
Il est possible de coupler ce procédé membranaire avec du CAP : dans ce cas, on utilise ces membranes de microfiltration, une barbotine de CAP étant injectée dans une boucle de recirculation, à des concentrations allant de 5 à 20 mg/l.
Cette configuration permet d'obtenir de bons rendements en terme d'élimination des pesticides (mais est totalement inefficace pour adoucir l'eau et éliminer les nitrates).
Ce procédé est souple en terme d'adaptation des taux de traitement à mettre en œuvre par rapport aux concentrations en pesticides mesurées. De plus, il s'adapte parfaitement et rapidement aux variations des qualités de l'eau à traiter, comme par exemple pour les eaux karstiques nécessitant une clarification et une élimination des pesticides.
Ultrafiltration :
Comme pour la microfiltration, on doit coupler ce procédé avec du CAP : dans ce cas, on utilise donc les membranes d'ultrafiltration avec une barbotine de CAP (et boucle de recirculation).
Dans ce cas, l'élimination des pesticides est totale.
Nanofiltration :
En ce qui concerne la nanofiltration, des études récentes ont montré que l'efficacité de la nanofiltration dépend non seulement de la structure des membranes, mais aussi de la matrice de l'eau : en effet, la matière organique que celle-ci contient (notamment les composés humiques) permet de former des complexes avec les pesticides à éliminer ; ces macro molécules sont alors plus facilement retenues par les membranes. Par contre, il semble que la présence d'ions Ca2+ ne favorise pas la formation de ces complexes.
La nanofiltration est surtout utilisée dans le cas d'eaux difficiles et elle permet l'élimination du CODB (Carbone Organique Dissous Biodégradable), ce qui limite la recroissance bactérienne dans les réseaux, ainsi que la demande en chlore.
A voir ou revoir les applications à l'échelle industrielle : en autres l'usine de Méry-sur-Oise, qui est aussi confronté à ce problème de pesticides > lien sir ce site.

Remarques : l'utilisation de CAP et/ou de membranes entraîne la production de boues de traitement qu'il faut évacuer.
Dans le premier cas, le CAP est utilisé sans régénération et se retrouve dans les boues de décantation, ce qui augmente leur volume. Dans le second cas, c'est le concentrât qui constitue un effluent riche en pesticides pour lequel il faut trouver une destination.
Tout comme les boues hydroxydes issues du traitement " classique " de l'eau, ces boues doivent être traitées avant rejet dans le milieu naturel.

Conclusions.
Devant une dégradation croissante de la qualité des eaux brutes potabilisables, les actions d'ordre curatif montrent leurs limites que ce soit sur les plans réglementaire ou économique.

L'ensemble des intervenants dans le circuit de l'eau potable est concerné par la qualité de l'eau : du responsable au consommateur, chacun doit montrer sa détermination pour préserver les ressources destinées à l'alimentation en eau potable tout en satisfaisant les exigences de santé publique.
L'ampleur du problème de qualité particulièrement sur les pesticides, les situations préoccupantes que l'on rencontre en Bretagne par exemple,
témoignent des enjeux et de l'urgence des actions à mener pour atteindre l'objectif de santé publique.
Pour cela, il serait indispensable de raisonner globalement et d'établir un programme d'actions qui intègre des actions à court terme mais également à long terme, en visant à protéger les ressources utilisées pour la production d'eau potable.


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