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Le phénomène existe se rencontre également
avec les molécules dhydrogène H2 et
est désigné par le terme disomérie de
spin du dihydrogène *.
Alors que dans le cas de leau
lourde (voir les
pages
internes sur cette eau
lourde), on est en
présence disotopes du noyau dhydrogène
(le proton), avec les formes para et
ortho des molécules deau et
dhydrogène, la différence se trouve ici au niveau
de lorientation du spin des protons (que
lon peut considérer comme des toupies avec un moment
cinétique quantique) :
Les lois de la mécanique quantique disent que si lon
disposait initialement dun ensemble de molécules
deau isolées uniquement dans un état para ou
ortho, elles devraient le rester. Mais comme elles subissent des
interactions, à commencer par des collisions entre elles
lorsquelles sont à létat liquide, elles se
répartissent sous les deux formes. La proportion de lune
et de lautre est déterminée par les conditions
physiques extérieures, notamment la température. Le
phénomène est donc utile pour les astrophysiciens qui
peuvent se servir du spectre des émissions de ces
molécules pour déterminer par exemple la
température des glaces interstellaires. Mais il existe des
zones dombre, des contradictions entre la théorie et
certaines mesures dans lunivers, sur lesquelles les
astrochimistes aimeraient avoir des réponses. Mais pour cela,
il faudrait disposer dun moyen de produire des
échantillons deau presque exclusivement composés
de molécules dun seul type. Cest loin
dêtre évident...
Deux chercheurs russes, Vladimir Tikhonov et Alexander Volkov,
pensaient y être parvenus en 2002. Ils avaient, selon eux,
réussi à produire des gouttes deau restant
particulièrement enrichies en lune des deux formes
pendant environ 25 minutes. Hélas, la reproductibilité
de lexpérience laissant à désirer, le
scepticisme était de mise. Il y a quelques années une
équipe de chercheurs du célèbre Technion en
Israël sest aussi attaquée à ce
problème et a annoncé en 2011 avoir obtenu des
résultats.
Tout récemment, un groupe de chercheurs allemands du Center
for Free-Electron Laser Science (CFEL)
a relevé le défi à son tour et ces scientifiques
viennent dannoncer dans un article disponible sur arxiv
quils ont pu séparer les deux types de molécules
à laide de faisceaux moléculaires plongés
dans des champs électriques.
Pour cela, les physiciens ont commencé par placer une goutte
deau dans un réservoir empli de néon et
dargon sous pression. Puis le réservoir a
été connecté à une chambre à vide
au moyen dune valve. En louvrant, la
dépressurisation a provoqué lévaporation
de leau et léjection dun faisceau
moléculaire dH2O se propageant à
vitesse supersonique. Lopération ayant tout à la
fois refroidi et dilué les molécules de sorte que leur
taux de collisions soit devenu très bas, la conversion des
molécules ortho en para a aussi été
inhibée. En faisant passer le faisceau moléculaire dans
une région contenant un champ électrique
adéquat, celle-ci sest comportée comme le ferait
un prisme pour des rayons lumineux et a produit deux faisceaux
moléculaires différents. Les mesures par spectroscopie
ont montré que lun contenait 74 % de molécules
sous forme para et lautre 97 % sous forme ortho.
Il se trouve que de leau enrichie en molécules de type
para permet daugmenter la sensibilité de la
spectroscopie par RMN en biologie structurale, plus
précisément dans le cas de l'étude de la
structure de protéines.
Disposer dune source deau encore plus enrichie en
molécules para pourrait donc permettre de faire progresser la
biologie et la mise au point de nouveaux médicaments.
* Le physicien et chimiste
allemand Paul Harteck (1902-1985) a découvert en 1929 avec son
collègue le chimiste Karl Friedrich Bonhoeffer (1899-1957) les
isomères de spin de lhydrogène,
lorthohydrogène et le parahydrogène. Harteck a
fait partie avec Heisenberg du programme de recherche allemand sur la
bombe atomique pendant la Seconde guerre mondiale.
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