Boues d'eaux résiduaires urbaines

Introduction.
Les stations d’épuration pour le traitement des eaux usées génèrent des sous produits inévitables :

Les boues.
En France, le plus souvent, les boues sont épandues sur les terres agricoles. Cela permet à la fois de tirer profit de leurs propriétés fertilisantes pour les cultures et de bénéficier des capacités naturelles de “digestion” du sol pour les recycler.
Cette pratique, pendant de nombreuses années, n’a pas été remise en cause. Aujourd’hui, une conjonction particulière d’événements survenus dans les secteurs agricole et agroalimentaire tend à développer un débat public sur l’intérêt de promouvoir ou, au contraire, de restreindre l’utilisation agricole des boues d’épuration.
Les boues sont principalement constituées de particules solides non retenues par les pré-traitements en amont de la station d’épuration, des matières organiques non dégradées, des matières minérales et des micro-organismes (bactéries dégradatives pour l’essentiel).
En fait, la qualité des eaux usées détermine directement la qualité des boues d’épuration produites, notamment leur teneur en éléments-traces.
Aussi une police des réseaux efficace est-elle de la plus haute importance pour prévenir les rejets de substances chimiques contaminantes dans les égouts, si la municipalité fait le choix d’une filière de recyclage agricole pour ses boues d’épuration.

Les boues se présentent sous forme d’une «soupe épaisse» qui subit ensuite des traitements visant en particulier à réduire leur teneur en eau.

La quantité moyenne produite en France est de 15 kg de matière sèche/habitant/an

(avec une variation de 10 à 25 kg/hab./an).

Nota :

seules les boues d’épuration peuvent faire l’objet d’un recyclage en agriculture.

Encore faut-il qu’elles répondent à une qualité et à des règles précises, détaillées dans ce dossier
(voir chapitre valorisation).
Les autres sous-produits de l’assainissement sont éliminés dans le circuit des déchets municipaux.
Les produits minéraux de curage et de dessablage peuvent être valorisés en remblais, sous réserve d’un nettoyage-calibrage.
Les déchets graisseux sont incinérables ou biodégradables (pas toujours !).


Choix :  (cliquer sur les menus à gauche)




Origine des boues.
Selon le type de traitement des eaux usées, une station d’épuration peut produire, à l’origine, trois grandes catégories de boues :

Pour maintenir l’activité biologique de la station à un bon niveau, une partie de la masse des bactéries ou “biomasse en excès” doit être prélevée soutirée régulièrement, entretenant ainsi la dynamique de reproduction bactérienne.
Caractérisation.
Pour connaître le comportement d'une boue avec tel ou tel type de traitement, une caractérisation poussée doit avoir lieu. Pour cela, les paramètres qui doivent être pris en compte sont :







Production de boues d’épuration.
Perspectives d’évolution :

Fin 2000, la France produisait 850 000 tonnes de matières sèches (t MS) de boues d’épuration municipales, soit environ 9 millions de tonnes brutes (tous types de boues confondus).
Ces chiffres souffrent d’une certaine imprécision, liée aux imperfections du système statistique national, mais constituent des ordres de grandeur généralement acceptés.

Les projections d’évolution de la production de boues d’épuration sont directement fonction des progrès du système national d’assainissement des eaux usées (collecte et traitement).
Dans le rapport présenté à la Commission Européenne, en application de la Directive Eaux usées de 1991, la France a annoncé, sur la période 1992 - 2005, une augmentation de 26 % de la capacité des systèmes de collecte, et de 72 % de la capacité des stations d’épuration, ce qui constitue un effort d’investissement particulièrement important de la part des collectivités.
Concrètement, si le taux de dépollution (part de la pollution traitée sur la pollution émise) passe de 49 % actuellement, à 65 % à l’horizon 2005 (objectif fixé par les pouvoirs publics), la production de boues d’épuration pourrait atteindre, à cette date, 1 100 000 t MS, soit une augmentation de 30 %.


Choix :  (cliquer sur les menus à gauche)




Epandage.
En simplifiant les choses, cinq grands types de boues pourraient être recyclés en agriculture.
Le classement se réfère à leur état physique ou à leur mode de stabilisation :

Les coûts élevés en investissement, énergie et maintenance, sont compétitifs si les tonnages traités sont eux-mêmes importants.
Certains procédés particuliers peuvent donner des boues solides non chaulées (filtre-presse, conditionnement thermique).
Ils concernent des stations peu nombreuses mais de grande taille (15 % de la production nationale MS).
Pour l’agriculteur, l’épandage sur les terres cultivées a toujours été le meilleur moyen de tirer parti des déjections animales (fumier, lisier…) pour améliorer la production de ses cultures.
Très tôt, on s’est aperçu que les eaux usées des villes et villages pouvaient apporter une “bonification des productions agricoles” grâce à l’eau et aux éléments fertilisants qu’elles contenaient.
Tout naturellement, lors de l’apparition des stations d’épuration, les boues qui en résultaient ont donc été épandues sur les terres agricoles
Les boues d’épuration sont composées essentiellement d’eau, de matière organique et de matières minérales.





L’effet de ces composants est très différent selon le milieu qui les reçoit :

En effet, les micro-organismes qui abondent dans le sol se nourrissent des matières organiques apportées par les boues.
De ce fait, ils en transforment progressivement une partie en éléments minéraux disponibles pour les plantes.
Une autre partie, plus ou moins importante selon le type de boues, est incorporée au sol et contribue à l’entretien d’une structure favorable au développement des racines.






L’épandage agricole des boues d’épuration est donc doublement utile :

  1. - il apporte à l’agriculteur des moyens efficaces, et la plupart du temps gratuits, pour entretenir la fertilité de sa terre et pour nourrir ses cultures,
    En effet, pour que les plantes soient capables de fabriquer leurs aliments à partir du gaz carbonique et de l’oxygène de l’air par le mécanisme de la photosynthèse, elles doivent prélever dans le sol d’autres matières premières indispensables : ce sont les nutriments, constitués essentiellement par l’azote, le phosphore, le potassium et divers oligo-éléments.
    Transformés en matière végétale, ces éléments sont « exportés » au moment de la récolte. Il faut donc trouver un moyen de les restituer au sol pour éviter son appauvrissement : c’est le but de la fertilisation.
  2. - il permet de compléter le travail d’épuration des stations en digérant la matière organique et en détruisant les micro-organismes pathogènes contenus dans les boues, susceptibles de provoquer des maladies chez l'homme et l'animal.
    Le sol est en effet un milieu très défavorable à ces micro-organismes, assez rapidement détruits par les conditions physico-chimiques régnantes - en surface notamment (action du soleil : UV, sécheresse) - et par la concurrence des autres micro-organismes naturellement présents dans le sol (après enfouissement).

 





L’épandage agricole s’inscrit donc dans la logique du recyclage dans le milieu naturel et de l’économie des ressources non renouvelables.
En apportant des éléments fertilisants aux cultures, les boues réduisent l’utilisation d’engrais minéraux :
elles diminuent d’autant les prélèvements miniers (phosphore et potasse notamment) ou la consommation d’énergie nécessaire à la fabrication des engrais (azote).
Par ailleurs, la nature grandement organique de l’azote apporté par les boues, entraîne sa mise à disposition progressive pour les plantes, par minéralisation, phénomène sous la dépendance des conditions pédo-climatiques locales.
Enfin, l’épandage agricole évite le recours à des solutions uniquement éliminatrices (incinération, mise en décharge) qui, selon un audit comparatif de filière réalisé en 1999 par le cabinet Arthur ANDERSEN
pour les Agences de l’Eau, présentent des impacts sur l’environnement plus défavorables que ceux de l’épandage.
Toutefois, le recyclage agricole ne dispense pas de disposer de ces filières alternatives d’élimination en cas de non-conformité temporaire des boues à l’épandage.

A partir des années soixante-dix et tout au long des décennies suivantes, les préconisations d’épandage se sont sans cesse perfectionnées et précisées.
Désormais, les procedures à respecter sont définies par une législation spécifique dont la rigueur s’est encore renforcée depuis 1997. Aujourd’hui l’épandage ne devrait être pratiqué qu’après avoir mis en place une planification globale, des outils d’analyse et de prévision, des moyens de contrôle du respect des bonnes pratiques et des résultats agronomiques.
Dans le cadre de la rédaction du programme prévisionnel d’épandage (ou “plan d’épandage”) imposé par la réglementation, les quantités de boues à épandre sont calculées :

Il doit aussi respecter des délais entre plusieurs épandages successifs sur la même parcelle, des interdictions en fonction de la saison, des conditions météorologiques, des cultures pratiquées, etc.

Evidemment, des efforts doivent être poursuivis pour améliorer la qualité des boues d'épuration en terme de teneurs en polluants.
Il convient de donner la priorité aux actions visant à retenir les substances nuisibles à la source.
Il serait nécessaire, par ailleurs, de développer en parallèle des stratégies pour lutter contre les pollutions d'origine diffuse telles les ménages, le transport et les dépositions atmosphériques.
A noter que selon la taille de la station d’épuration qui lui fournit les boues, l’agriculteur pourra pratiquer lui même l’épandage avec son matériel propre (une tonne à lisier par exemple) ou bien bénéficier du “rendu racine” : dans ce cas le producteur des boues réalisera lui même l’épandage ou le fera réaliser par un entrepreneur spécialisé, équipé de matériels spécifiques.
Notes sur la "fertilisation raisonnée" :
La "fertilisation raisonnée", c’est connaître les potentialités du sol et du climat, et adapter les apports en fertilisants selon les besoins des plantes, le rendement réaliste escompté, et les fournitures du sol en nutriments (richesse de la terre et arrière-effet des fumures des années précédentes).
Dans ce cadre, un apport raisonné de boues repose sur :

  1. une analyse du sol,
  2. un calcul de fertilisation,
  3. une analyse des boues,
  4. un calcul des doses de boues à épandre.

Si nécessaire, un complément de fertilisation peut être prescrit.




Textes législatifs et réglementaires.
Cadre général.
La loi sur l’eau de 1992 a eu pour objectif de protéger la qualité de la ressource en eau, en tant que milieu et écosystèmes associés ainsi qu’en terme d’usages possibles (eau potable, …).
L’épandage en général, et celui des boues d’épuration en particulier, faisant partie des activités répertoriées comme susceptibles de dégrader la qualité des eaux, sont bien entendu concernés par cette loi.
Mais la loi sur l’eau s’applique aussi en amont de l’épandage car elle détermine les contraintes de l’assainissement.
La loi sur les installations classées pour la protection de l’environnement ne s’applique qu’aux boues industrielles issues d’installations classées. Sauf en cas de raccordement industriel dominant, cette loi ne concerne pas les stations d’épuration municipales qui ne sont pas des installations classées.
Le statut juridique des boues d’épuration :
Le statut des boues d’épuration municipales est défini principalement par le décret 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées (voir plus loin).
Selon ce décret, elles constituent un déchet au sens de la loi du 15 juillet 1975 sur les déchets.
Toutefois, le même décret précise qu’elles ne peuvent être épandues sur les terres agricoles que si elles présentent un intérêt pour l’alimentation des cultures. A ce titre, les boues constituent également une matière fertilisante au sens de la loi 79-595 du 13 juillet 1979, mais sans que cela confère un nouveau “statut” aux boues d’épuration : celles-ci restent bien des déchets. Seule l’homologation, ou la conformité à une future norme matières fertilisantes (non existante actuellement), peut faire perdre le statut de déchet à la boue ainsi transformée.






Principaux textes de loi :
- Directive CEE n° 86/278 du 12 juin 1986, relative à la protection de l'environnement, et notamment des sols, lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture.
- Décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées
- Arrêté du 8 janvier 1998, fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles, pris en application du décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997.

> Pour en savoir plus sur "Le statut de l’exploitation agricole qui pratique l’épandage" : lien (Ademe)


Choix :  (cliquer sur les menus à gauche)




Valorisation.
Valorisation agronomique (autre que l'épandage classique).
(voies distinctes de l’épandage agricole direct existants à ce jour).
- en conservant l’épandage (sols non agricoles).
Epandage sur :

Il s’agit toujours d’une valorisation agronomique, et l’exigence de traçabilité liée au statut déchet des boues reste totale (étude prélable, programmation, analyses, suivi, enregistrement).
Les exigences en terme de sécurité sont sensiblement les mêmes que dans l’épandage agricole, avec une adaptation propre à la nature des écosystèmes visés, leurs fonctions et usages.
Nota : pour les zones boisées, seuls des épandages à titre d’essai peuvent être pour l’instant autorisés, après adoption d’un protocole expérimental et d’un protocole de suivi.

- en fabriquant des matières fertilisantes.
(au sens de produits marchands industrialisés).
Les boues peuvent servir de matière première pour :

C’est une voie développée, ou en cours de développement, dans plusieurs pays.
Le contrôle de la qualité des boues doit y être encore plus rigoureux que dans le cas de l’épandage, car la traçabilité sur le devenir des produits, et les contraintes spécifiques sur leurs usages sont nécessairement moindres.
Bien qu’il s’agisse d’une solution d’avenir séduisante - notamment pour les grandes stations d'épuration - des règles spécifiques et des exemples concrets de réussite manquent encore pour crédibiliser leur image de produits sains et loyaux, et leur ouvrir ainsi des marchés de masse.
Evidemment, les boues rendues impropres à l’épandage par la présence de polluants, ne sauraient entrer dans ce type de filière et devront toujours suivre des filières alternatives d’élimination.

Exemples de systèmes industriels.
OTV (Veolia Water Technologies), solutions VALOCLEAN™. Cette gamme de solutions a pour objectif d’extraire le maximum de matériaux valorisables des déchets ménagers (ex : CSR, biométhane, métaux recyclables…).


Choix :  (cliquer sur les menus à gauche)




Traitement des boues.
Objectifs visés.
Quel que soit le mode d'épuration des eaux usées, les boues sont initialement constituées d’eau (99 %), de matière organique fraîche, très fermentescible, et de matières minérales dissoutes ou insolubles.

Selon l’utilisation qui doit en être faite, des traitements complémentaires leurs sont appliqués :

On produit ainsi toute une gamme de boues aux propriétés diverses : boues épaissies, déshydratées, séchées, digérées, chaulées, compostées, etc.
Ces traitements influencent directement les propriétés fertilisantes des boues.
En conséquence, il est important de choisir le mode de traitement des boues également en fonction des débouchés agronomiques identifiés dans le secteur géographique, proche de la station d’épuration.

Une logique assez similaire prévaut pour les autres voies d’élimination :




Digestion.
La digestion est un procédé microbiologique transformant la boue organique chimiquement complexe en méthane, dioxyde de carbone et en un matériau non toxique semblable à de l'humus.
Les réactions se déroulent dans un réservoir clos ou digesteur dans des conditions anaérobies.
La transformation s'effectue au cours d'une série de réactions. D'abord la matière solide est rendue soluble par des enzymes, ensuite le produit est fermenté par un groupe de bactéries acidifiantes, procédé qui le réduit à des acides organiques simples, tels que l'acide acétique.
Les acides organiques sont alors transformés par les bactéries en méthane et en dioxyde de carbone (CO2). La boue épaissie est chauffée et versée le plus régulièrement possible dans le digesteur où elle séjourne entre 10 et 30 jours pour y être décomposée. Par la digestion, on atteint une réduction de la matière organique de 45 à 60 %.




Séchage.
Le séchage est une étape de traitement pendant lequel la boue digérée est placée sur des lits de sable pour un séchage à l'air libre. La percolation dans le sable et l'évaporation sont les étapes essentielles du processus de déshydratation.
Pour être réellement performant, le séchage à l'air requiert un temps sec et relativement chaud, certaines installations disposent de structures semblables à des serres permettant d'abriter les lits de sable. Le plus souvent, la boue séchée est utilisée comme améliorant pour les sols, parfois comme engrais en raison des 2 % d'azote et 1 % de phosphore qu'elle contient.

Incinération avec élimination des résidus.
L’incinération ou autre traitement thermique (oxydation par voie humide, pyrolyse,…) est réalisée dans des installations spécifiques, nécessairement de grande taille pour des raisons économiques, ou bien en co-incinération avec les déchets ménagers.
Selon le cas, un séchage préalable plus ou moins poussé peut être nécessaire.
La matière organique des boues est détruite avec :




Dépôt en centre de stockage (boues en l’état ou après incinération).
L’arrêté du 9 septembre 1997 précise les contraintes générales de la conception et de l’exploitation des centres de stockage.
Pour les boues d’épuration, cet arrêté impose une teneur minimale de 30 % de matière sèche ou bien le stockage dans des alvéoles équipées pour la récupération du biogaz.
Des contraintes techniques d’exploitation sont également imposées en fonction de la qualité des boues et de leur comportement à l’enfouissement.

NOTES.
Chacune des différentes voies possibles pour l’élimination des boues d’épuration présente un inconvénient vis-à-vis de la qualité de l’air, des sols ou des eaux, et des risques potentiels pour la santé
(Cf. audit environnemental comparatif AE Rhin-Meuse/Cabinet Arthur Andersen, 1999).
Les impacts de l’épandage agricole sur l’environnement sont les mieux connus. Dans les solutions alternatives, les boues ne sont jamais traitées isolément et il est donc difficile d’analyser leur part de responsabilité dans les effets produits sur l’environnement. Les coûts des alternatives sont généralement élevés et souvent hors de portée des budgets d’un certain nombre de communes. Le regroupement permet la mise en œuvre de solution centralisée (effet d’échelle), mais génère des coûts de transport. L’économie générale d’un projet collectif est donc à examiner soigneusement dans les études de faisabilité.

Exemples de systèmes industriels.
OTV (Veolia Water Technologies), principales technologies pour traiter et valoriser les boues d'épuration (notamment) :

Coûts > voir ce lien (Agence de l'environnement et de la Maîtrise de l'Énergie - ADEME) qui résume bien l'état actuel.


Sources des pages (entre autres) : OTV, Ademe

Fin du chapitre Boues Urbaines